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    6 janvier 2016

    Mauvaise surprise pour Carl Mørk quand il arrive dans le bureaux du département V en ce matin de novembre 2010. Børke Bak, flic à la retraite et ennemi personnel du commissaire, lui demande de retrouver et de punir celui qui, dans la nuit, a aspergé de soude caustique sa soeur Esther, tenancière d'une maison close dans le quartier de Vesterbro, le menaçant de faire resurgir l'histoire très ancienne de la mort de son oncle. Si Mørk est furieux, Rose, sa secrétaire, voit là l'occasion de se pencher sur une vieille affaire non résolue, la disparition, dans les années 80, de Rita Nielsen, propriétaire d'une agence d'escort girls. Sous son impulsion, le commissaire et son assistant, l'énigmatique Assad, découvrent une série de disparitions suspectes ayant les mêmes caractéristiques. Leur enquête va les conduire dans le sombre passé du Danemark sur les traces de Nete Hermansen, enfant, puis femme broyée par le système et les idées néfastes de certains.

    C'est toujours un plaisir de retrouver le bougon Carl Mørk, empêtré dans une vie privée compliquée, et assisté dans son travail par deux assistants hauts en couleurs. Jussi Adler Olsen a su créer des personnages originaux et attachants qu'on aime retrouver au fil de leurs enquêtes. Cold case oblige, ils vont remonter le temps jusqu'aux années 50 dans le passé de Nete Hermansen, qu'aujourd'hui on qualifierait de ''cas social'' et de son persécuteur, le docteur Curd Wad, gynécologue à la retraite, fondateur de Renie Linie, un parti politique extrémiste en passe d'accéder au parlement en cette année 2010.
    Si tous les livres de ce génie du polar sont fantastiques, tant au niveau des intrigues que de la qualité d'écriture, celui-ci est un cran au-dessus, peut-être en raison du sujet abordé, à savoir l'eugénisme. Après la deuxième guerre mondiale et la chute d'Hitler, certains danois ont continué à s'inspirer de ses idées sur la race pure. Ainsi, les femmes jugées indignes de procréer ont été avortées et stérilisées de force. Cette ''lutte secrète'' visant éliminer les familles nombreuses des classes populaires ou encore les mères célibataires s'accompagne aussi d'un racisme à peine dissimulé.
    Avec Nete, le lecteur est plongé dans la vie d'une femme déchue qui s'est relevée pour tomber à nouveau et ne plus penser qu'à la vengeance. C'est avec un sentiment d'injustice et une profonde empathie que l'on suit son triste parcours.
    Encore une fois, Adler Olsen frappe fort avec l'histoire de cette ''bonne fille'' qui n'a pas eu de chance. Et si le noir domine son roman, il sait aussi ménager au lecteur des plages de détente où l'on s'amuse des mésaventures de Carl avec son ex-femme ou avec sa nouvelle petite amie et de ses tentatives infructueuses pour agir en chef avec sa fine équipe. Un très bon opus, voire le meilleur de la série.


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    24 mars 2014

    Danemark, policier

    J'ai retrouvé avec plaisir le Département V (prononcé Vé ou 5 ?!) au sous-sol du commissariat.

    Si l'enquête sur le tueur au pistolet à clous ne m'a pas passionné, en revanche, j'ai aimé suivre l'enquête sur le dossier 64 et la vengeance de Nete, insaisissable jusqu'au bout.

    Et puis l'humour de l'auteur, des phrases drôles sorties de nulle part, j'adore.

    L'épisode sur "comment faire pipi dans les toilettes des filles" est très réussi (n'est-ce pas Yv). Et puis les WC en peau de Muppets des années 70, trop classe !

    Alors oui, on n'en apprend pas plus sur Assad (quoique...), mais c'est tant mieux, car cela augure une suite.

    L'image que je retiendrai :

    "Tu es une belle personne, Nete". Mais qui n'a tout de même pas eut beaucoup de chance dans sa vie....

    http://motamots.canalblog.com/archives/2014/03/07/29362903.html


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    1 mars 2014

    Quatrième volet des enquêtes du Département V, toujours aussi bon, je ne vous le cache pas. Nous sommes nombreux à avoir aimé les trois précédents tomes (Miséricorde, Profanation et Délivrance), nous devrions être au moins autant à apprécier ce roman-ci. A ce propos et sans encore savoir ce qu'elles en ont pensé, ce livre fut l'objet d'une lecture commune avec mes éminentes copines de la blogosphère Lystig, Liliba et Hélène.
    Cette fois-ci encore le trio fonctionne admirablement et de la même manière : Rose déterre un dossier qu'elle s'empresse de rendre attirant à Carl, Assad lui étant tout acquis. Carl est un flemmard dont l'instinct de flic, dès lors qu'il est réveillé ne s'endort plus qu'à l'ultime seconde de la résolution de l'énigme.

    Le travail de Rose et d'Assad est donc de lui présenter un dossier "clef en main" : ils sont les petites mains qui cherchent, furètent dans les archives pour appâter leur chef. Rose est toujours sur le fil, entre ses différentes personnalités qui ne demandent qu'une raison pour s'intervertir. Assad, toujours mystérieux sur ses origines est collant, ne lâche rien et n'en fait qu'à sa tête. Carl, plus flegmatique est très pris par sa vie privée, entre sa future ex-femme qui veut partager leurs biens, son beau-fils qui ne fait rien, son ex-équipier cloué sur un lit médicalisé dans son salon et Mona son ex-psychologue devenue sa maîtresse.
    Pour cette affaire, Jussi Adler-Olsen nous plonge dans le Danemark de l'extrémisme : le parti de l'extrême droite est en passe d'avoir des représentants au Parlement et son chef Curt Wald qui a tout fait pour que son parti arrive un jour au pouvoir est en première ligne. J. Adler-Olsen démonte les rouages de ce parti, fondé sur ce que la société danoise refuse de voir en face et sur ce dont elle ne peut s'enorgueillir : l'eugénisme mis en pratique au début du siècle dernier, lorsque des femmes jugées de mauvaise vie était enfermées dans l'île de Sprogø, surveillées, maltraitées voire stérilisées pour ne pas que leur progéniture gangrène la vie des honnêtes gens de l'époque. "Elles étaient maltraitées, elles travaillaient dur. Elles étaient menées à la baguette et brutalisées quotidiennement par un personnel sans qualification qui considérait ces filles, ainsi qu'on les appelait là-bas, comme des êtres inférieurs. Elles étaient surveillées nuit et jour. Il y avait des cellules on l'on mettait à l'isolement celles qui refusaient de marcher au pas. Elles pouvaient y rester des jours et des jours. Si l'une de ces filles nourrissait quelque espoir de partir un jour de Sprogø, il fallait de toute façon qu'elle accepte d'abord d'être stérilisée. Stérilisée de force ! On leur enlevait tout, Carl ! Excision et hystérectomie !" (p.187). J. Adler-Olsen construit une histoire dure, parfois insupportable d'intolérance et de violence tant physique que psychologique. Un contexte très fort, malheureusement réel. J. Adler-Olsen ne prend pas de gants et met ses compatriotes face à leur passé et leur présent (face à la montée des extrémistes). Dans le même temps, il sait se faire plus léger lorsqu'il parle des relations entre ses trois protagonistes (il y a notamment deux pages hilarantes d'une théorie implacable de Rose sur l'utilité pour les hommes de remonter la cuvette des toilettes pour uriner et de la rabaisser, une fois leur affaire faite), ou lorsqu'il décrit les rapports entre Carl et Mona, la femme qu'il aime :
    "- On s'en fiche", dit-elle en l'attirant contre elle avec tant de volupté que le sang de Carl se mit à bouillir. "Je crois que tu es mûr pour une petite séance de gymnastique sous la couette", lui susurra-t-elle en glissant une main là où les petits garçons en bonne santé se tripotent à longueur journée." (p.317)
    Une quatrième enquête très convaincante de 604 pages jamais ennuyeuses, au contraire (ce qui est pour moi un gage de grande qualité) qui se hisse très largement à la hauteur de Délivrance, le tome précédent que je trouvais le plus abouti. Mais jusqu'où ira-t-il ce Jussi Adler-Olsen, si à chaque épisode que je lis je le trouve encore meilleur que le précédent, et sachant que d'autres sont prévus, pour ma plus grande joie ?


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    6 février 2014

    Cold case à la danoise

    Le trio gagnant du département V, le « Cold Case » danois, frappe une nouvelle fois dans cette 4ème enquête. Avec le « dossier 64 » Carl Morck, Assad et Rose vont se trouver aux prises avec un épisode sombre du Danemark sur fond d’eugénisme.

    Tout commence par l’agression à la soude caustique d’une propriétaire d ’escort-girls, accessoirement sœur d’un ex-membre de la Brigade Criminelle. Il n’en faut pas plus pour que Rose exhume une affaire non élucidée : la mystérieuse disparition en septembre 1987 de Rita Nielsen, alias Louise Ciccone, mère maquerelle elle-aussi. La police avait rapidement conclu à un suicide mais rien n’est moins sûr. De fil en aiguille, le département met à jour les cas de quatre autres personnes qui toutes se seraient volatilisées ce même 5 septembre 1987 et que rien à priori ne relie entre elles. Parallèlement, comme toujours chez Adler-Olsen, une femme conte sa triste existence. Nete Hermansen n’a vraiment pas été épargnée par la vie. Violée à l’adolescence, elle a été expédiée dans une institution avant d’être internée sur l’île de Sprogo comme des centaines d’autres femmes, jugées mentalement déficientes et sexuellement amorales pour qu’il soit procédé à leur stérilisation de force. Cet établissement met Carl, Assad et Rose sur la piste du dangereux Curt Wad, 88 ans, porte-drapeau d’un mouvement populiste et raciste « René Linier » ou lignes pures et fondateur de la redoutable « Lutte secrète » qui prône la sélection des êtres humains et pratique l’avortement systématique des femmes enceintes considérées comme n’appartenant pas à la « race pure danoise ». Et Wad est prêt à tout pour préserver son mouvement même à s’attaquer à Morck et à ses assistants.

    Jussi Adler-Olsen est un véritable phénomène d’édition. Depuis « Miséricorde » ses ouvrages sont salués par la presse, couronnés de prix et attirent un public d’admirateurs toujours plus nombreux. Ce dernier opus ne déroge pas à la règle même si la tension, colonne vertébrale de ses livres, baisse ici d’un cran. S’inspirant de pratiques eugénistes qui sévirent dans les pays scandinaves à la fin des années 30 et se poursuivirent parfois jusqu’en 1976, Adler-Olsen bâtit une intrigue âpre, reprenant les angoisses suscitées par la résurgence de partis radicaux. Il tricote séparément deux histoires qui finissent par ne former qu’une seule et même trame. Et le coup de théâtre des toutes dernières pages en réjouira plus d’un. La peinture des héros récurrents du département V gagne à chaque titre en épaisseur et Adler-Olsen fait, pour la plus grande joie de ses lecteurs, des révélations sur Rose et son énigmatique jumelle Yrsa.

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