COMPTINE EN PLOMB
EAN13
9782809800715
ISBN
978-2-8098-0071-5
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Suspense
Nombre de pages
323
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
500 g
Langue
français
Code dewey
849
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Comptine En Plomb

De

Archipel

Suspense

Indisponible
DU MÊME AUTEUR

Natures mortes, Archipoche, 2007.

La Gaga des traboules, L'Archipel, 2007.

Mister Conscience, Archipoche, 2006. Prix LGM-Lire, 2007.

La République de Gus. C'est pour rire, c'est un roman, A contrario, 2004.

La Saône assassinée, Le Masque, 2004.

L'Enfant au masque, Le Masque, 2003.

Étranges nouvelles de Bourgogne, éditions JPM, 2003.

L'Inconnue de l'écluse, Le Masque, 2002.

Stone, le cercle des initiés, Flammarion, 2002.

Les Sorciers de la Dombes, Viviane Hamy, 2001.

La Peste blonde, Viviane Hamy, 2001, J'ai Lu, 2002.

Implacables vendanges, Viviane Hamy, 2000. Prix Métiers et Culture 2001.

Les Croix de paille, Viviane Hamy, 2000, J'ai Lu, 2002. Prix Océanes 2001.

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eISBN 978-2-8098-1105-6

Copyright © L'Archipel, 2008.

À l'enfant qui rêvait
dans les dunes
en parlant à son chien...

De même, en toute amitié,
qu'à Kléber Beauvillain
et à Gilles, son fils, qui l'ont encouragé.

Avertissement

Puisqu'il faut mourir pour renaître...

Toute ressemblance avec des personnages imaginaires serait une pure coïncidence.

Ou peut-être le contraire.

Fictifs, réels... Qu'importe. Je les ai tous tués.

Ils ne sont plus que d'encre.

1

Imagine... Vois au loin, aux confins des longues plages blondes, entre les vagues grises et les dunes dorées, vois passer le malheur qui entre dans la ville.

Comme un fin corbeau freux aux ailes anthracite, il se fond dans la bruine d'un automne nordique.

Luxueux corbillard, drapé de métal noir, ses vitres sont fumées. Nul ne peut distinguer ses discrets passagers.

D'où viennent-ils, de quel pays, de quel cimetière ?

La plaque de la voiture indique qu'ils débarquent d'Angleterre.

À quelques encablures, par-delà le Channel, on aperçoit ses côtes quand le soleil se pointe. Du Gris-Nez, du Blanc-Nez, des deux caps avancés qui tutoient la cité, Douvres et Folkestone semblent à portée de main. Une illusion, il n'en est rien. Mais pour les pauvres diables fuyant le bout du monde, là où vivre debout s'accorde avec mourir, la terre tant promise est enfin accessible.

Utopie ! Calais est un cul-de-sac. Entre elle et sa voisine il n'y a que de l'eau, une mer emmurée dans des falaises abruptes, un pas infranchissable autrement qu'en bateau.

Du moins à cette époque...

C'était il y a longtemps...

Formule expéditive : d'hier et d'avant-hier, ambiguë à hurler, cette histoire sanglante date aussi d'aujourd'hui.

Ce drame n'a pas d'âge.

Accroché aux remords de ceux qui l'ont vécu, il traverse le temps avec ses inconnues.

Aucun de ses acteurs n'a bouclé le dossier – ou osé l'archiver – les morts qu'il emprisonne n'ont pas été vengés.

Enfin pas tout à fait ; pitoyable constat que les tenants du verbe ont prudemment gommé de leurs communiqués.

De manière officielle, l'affaire est close, justice est faite, du moins ce qui lui ressemble et convient aux caciques.

Incompétence ? Machiavélisme ? Ni l'un ni l'autre, plutôt un compromis : certains mystères obligent les sages à se taire.

La vérité, parfois, est pire qu'un mensonge.

... Mais l'émotion nous emporte, notre récit dérape, revenons à notre point de départ...

L'affaire qui nous retient commence un jour férié, dans le crachin de la Toussaint, sur la digue interminable où, tel le cheval de Troie, silencieuse et équine, la limousine noire avance avec lenteur.

Outre l'horreur et l'épouvante, on ne sait qui elle transporte.

Des gens, certes, faits de chair et de sang, puisque dans leurs bagages ils importent la mort. Mais pourquoi ? Dans quel but ? Ont-ils prémédité les crimes qui seront perpétrés ?... En seront-ils les artisans, les témoins impuissants ou les éléments déclencheurs ?

Vengeance ? Schizophrénie ? Simple coïncidence ?

Multiples sont les pistes.

Supposons, par exemple, que l'assassin les attendait pour tuer. Pour un motif qui nous échappe, admettons par principe qu'il ne pouvait agir avant qu'ils le rejoignent.

Si cette théorie est avérée, interrogeons-nous sur leurs rapports exacts : sont-ils ses complices ou ses commanditaires ?

Question qui en entraîne une autre : pourquoi ces gens voudraient-ils tuer, ou faire assassiner, des citoyens paisibles, sans ambition ni fortune, étrangers à leur caste ? Ces malheureux ne leur ont jamais fait d'ombre ! Ils ne savent même pas que ces nantis existent !

Non, cent galaxies, au moins, séparent les victimes de ces notables aisés.

Pourtant leur arrivée va bientôt déclencher un massacre : huit innocents vont mourir. Et tous tragiquement dans la brume flamande.

Pour quel motif ? Pour quelle haine ? Dans ce brouillard intemporel, mélange de passé, de présent, de futur, où est la vérité ?

À bord d'un paquebot, accoudé au bastingage, un vieil homme la connaît...

Il sait tout : le pourquoi, le comment, le nom de l'assassin...

Depuis des décennies, il est le seul, ou presque, à garder ce secret.

Ses longs cheveux d'étain, mousseux comme de l'écume, flottent dans le vent du large. Son visage meurtri, scarifié par les luttes, se penche vers l'enfant.

L'échéance approche, il est temps pour lui de la confier à quelqu'un.

Ses mots sortent sans peine, remontent dans le temps :

— Imagine... Vois au loin, aux confins des longues plages blondes, entre les vagues grises et les dunes dorées, vois passer le malheur qui entre dans la ville.

2

Au sud-est de Calais, le Café du Canal ne payait pas de mine. C'était un vieux troquet bruni par le tabac, au sol semé de sciure, meublé dans l'anarchie de banquettes fendues, de tables au bois terni et d'un crachoir en cuivre.

En semaine, dès 6 heures, avant que le ciel ne s'ouvre, il faisait toujours le plein. Sac au dos – gamelle à l'intérieur –, casquettés, Gauloise au bec, les compagnons de la bistouille s'y arrêtaient pour souffler. La plupart se déplaçaient à vélo, levés bien avant l'aube pour aller travailler – souvent par moins dix quand ce n'était pas pire. Ils venaient de loin, ces hommes endurcis, du Beau-Marais, des Attaques, du Pont-d'Ardres, rêvant de posséder un véhicule à moteur. Les plus raisonnables se voyaient sur une mobylette, les plus ambitieux au volant d'une Dodoche.

Tullistes, dockers, P1, P2, P3 enchaînés aux machines se retrouvaient autour du comptoir de René, le patron du bistro. Là, d'un geste arrondi, mille fois répété, ils versaient leur schiedam dans un jus noir épais, passé à la chaussette, fleuri de chicorée. La bistouille, potion magique du pauvre, se tenait ainsi prête à réchauffer leurs muscles.

Et cette confrérie, le jour dit du Seigneur par les bourgeois rigides – engeance qu'elle haïssait –, y revenait en costume du dimanche. Toujours le même, mais impeccable. Signe de reconnaissance, seule la casquette était inamovible.

Son attachement à ce troquet n'avait rien de sentimental. L'appât du gain, l'argent facile, le goût du jeu y attiraient ses séquelles – un jeu antique dont la règle est la loi du plus fort, avec la mort du vaincu dans la plupart des cas. Il fallait être du coin pour savoir qu'il se pratiquait là, presque en catimini, dans l'arrière-salle du café, un lieu discret qu'aucune pancarte n'indiquait.

Or, en ce premier dimanche de novembre 1965, il avait de nouveau cours avec un beau plateau de tueurs. Les initiés étaient donc au rendez-vous, en famille, prêts à risquer cinq francs sur quelques gouttes de sang.

Le bistro était bondé, le vieux zinc pris d'assaut. Dans une fumée à couper au sécateur, la bière coulait à flots, les hommes peignaient la Terre en rouge, les femmes papotaient en berçant les bébés, les enfants sirotaient leur Fanta ou couraient entre les tables. C'était la fête, les jeux du cirque, morituri te salutant et après nous les mouches ! Demain, on reprendrait le vélo, le chemin du boulot, avec une croix sur le calendrier qui ne signifierait rien, sinon que le temps passe, que la retraite est encore loin.

Dans ce maelström, isolé au bout du comptoir, un grand type osseux, d'allure rébarbative, alignait...
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