Calibre

Ken Bruen

Gallimard

  • Conseillé par
    17 août 2012

    La politesse ou la vie.

    Ken Bruen imagine qu'en plein Londres un homme s'approprie la personnalité du héros du très noir roman de Jim Thompson "Le démon dans ma peau". Au comble du délire il se lance dans une croisade contre la grossièreté ! Une seule issue et une seule peine : la mort.
    Tout va mal à Londres, Un nouveau tueur en série sévit. Mais il ne frappe pas au hasard, ses victimes sont des gens qui d'après lui sont grossiers ou pour le moins mal élevés.
    Donc le dénommé Crew, dont nous faisons connaissance, a décidé d'éradiquer la grossièreté et le manque de savoir-vivre dans la bonne ville de Londres.

    Chaque croisade a eu son héros ou son héraut. En écrivant aux journaux, il devient son propre porte-parole. Il se raconte, son père mort dans d'horribles souffrances après avoir travaillé dans une usine d'amiante. Il se veut très érudit, ses lectures sont Willeford, Woollich, James M.Cain, Hammet, Chandler et Jim Thompson! Tous ces romans lui ont procuré un sentiment de puissance et d'invulnérabilité. En effet il pense être prudent et frappe au hasard, alors il commence à tuer.
    Pendant ce temps-là au commissariat, la vie continue son petit bonhomme de chemin. Le sergent Brant est égal à lui-même, c'est-à-dire pourri jusqu'à la moelle. Son supérieur, l'inspecteur Roberts, paraît plutôt compréhensif à son égard lui pardonnant toutes ses incartades. Entre la superbe Fall qui purge une mise au placard et Mc Donald un Écossais sur le retour, ce n'est pas le grand amour. Et pourtant il doit porter la bonne parole dans les écoles. Chassez le naturel et il revient au galop, entre eux, il est plutôt question de "faire plaies"!
    En plus de l'enquête sur "le tueur qui milite pour le retour à une certaine tenue dans la vie de tous les jours", d'autres affaires moins meurtrières sont en cours. Une perquisition chez un dealer qui tourne à la confusion pour un agent, mais qui propulse une jolie policière à la première page des journaux. Quelques trafics et réseaux à démanteler, quelques guéguerres intérieures, bref la vie de tous les jours.
    Enfin, comme parfois dans les romans de Jim Thompson, réjouissons-nous, la morale n'est vraiment pas sauve!
    Les personnages de la série des R&B sont pour le moins des exemples...à ne pas suivre et écornent sérieusement l'image d'Épinal de la police londonienne.
    L'inspecteur Roberts est un peu en retrait dans cet ouvrage, dépassé qu'il est par son collègue.
    Brand lui fait feu de tout bois, Il n'est pas loin d'avoir la médaille d'or du décathlon du flic le plus pourri de Londres. Et il postule pour le prix Nobel de la corruption. Un sacré personnage que je mets en parallèle avec le flic de "1275 âmes". Dans la vie il faut s'arranger avec tout, les lois, la morale et sa conscience. L'on peut très bien oublier cette dernière dans un placard quelconque.
    Le tueur est un personnage ambigu. Dommage pour lui que dans les forces de l'ordre, certains soient encore plus grossiers et mal élevés que ceux qu'il a tués. Et ne s'encombrent d'aucuns principes.
    Double narration dans ce roman, personnelle pour le tueur, générale pour les faits et gestes des policiers qui sont bien sur des faits-divers.
    J'ai l'impression d'une récréation littéraire pour Ken Bruen, un texte court très inspiré sans tomber dans le plagiat, beaucoup d'humour pour contrebalancer la noirceur du propos et la folle croisade de Crew, tuer non pas les méchants, mais les mal-polis!
    Je vous laisse imaginer ce que deviendrait le monde si, sans aller aux extrémités préconisées parle tueur, on sanctionnait les gens grossiers! Combien de footballeurs resteraient-ils en équipe de France, c'est juste un exemple !
    Le roman de Jim Thompson "The Killer Inside Me" a fait l'objet d'un film de Michael Winterbottom, qui a réussi l'exploit de le rendre encore plus violent que le livre!